21 Sep 2025 | Actualités
En affirmant à Elise Allen, dans le livre interview León XIV. Ciudadano del mundo, misionero del siglo XXI, que « La doctrine ne sera pas modifiée, pour l’instant », Léon XIV chercheraitd’un côté à rassurer les conservateurs en leur disant : « Rien ne change », mais en même temps, il voudrait rassurer les libéraux en suggérant que cela pourrait être temporaire. Il ne dit pas que c’est le cas, mais il ouvre cette possibilité. Bref, une manœuvre habile destinée à endiguer la « polarisation » (nouveau mot magique du vocabulaire mondain) en attendant des jours « meilleurs » (pour qui?).
Les intentions que le père Santiago Martin, voix autorisée et modérée de l’Eglise en Espagne, prête au pape sont évidemment son opinion personnelle… mais le moins que l’on puisse dire, c’est que les faits ne les contredisent pas… et elles sont rien de moins qu’inquiétantes à long terme.
(…) dès son premier discours, le pape Léon a clairement indiqué qu’il recherchait l’unité de l’Église. Dans cette interview, il revient sur ce thème, mais sous un autre angle : il évoque la forte polarisation de l’Église. Son objectif est d’éviter tout ce qui pourrait accroître cette polarisation.
(…)
Cela soulève une autre question : si les relations homosexuelles ne sont pas approuvées maintenant, si les diaconesses ne sont pas approuvées maintenant – et évidemment, une fois les diaconesses approuvées, viendraient les prêtresses, les évêques et même les « papesses » –, est-ce uniquement pour éviter la polarisation ? Et si la polarisation diminuait, serait-elle alors approuvée?
*Père Santiago Martin
Le pape Léon n’approuvera pas l’homosexualité, « pour l’instant »
Père Santiago Martín
infovaticana.com
19 septembre 2025
La première grande interview importante du pape Léon XIV a été publiée : elle est très intéressante et révèle assez bien ce que sera, au moins, la doctrine de ce pontificat. Je ne sais pas si elle marquera également le gouvernement de ce pontificat, du moins pendant la première étape, car nous sommes vraisemblablement face à un long pontificat.
Et je pense que, pour la comprendre et aller au fond de cette interview — que je recommande de lire —, il faut utiliser trois clés d’interprétation.
La première, bien sûr, ce sont mes opinions. Bien que l’interview ait été réalisée avec le pape Léon, on dirait qu’elle a été réalisée avec le pape François. Pourquoi ? Parce que le pape Léon fait continuellement référence à François : pour dire « Le pape a fait cela et je vais continuer à le faire » — par exemple, la nomination de femmes à des postes importants dans l’Église —, ou pour affirmer « Le pape François n’a pas fait cela et je ne le ferai pas non plus » — par exemple, la modification de la morale sexuelle, notamment en ce qui concerne les relations homosexuelles, ou l’ordination des diaconesses.
Pourquoi ces références constantes à François ? Chacun peut avoir son opinion. La mienne est qu’il s’agit d’une tentative pour rassurer la partie la plus libérale de l’Église, en lui disant : « Je n’introduis pas de changements, je ne vais pas plus loin que ce qu’a fait François, comme vous le souhaiteriez peut-être. Mais vous devez rester calmes. Nous ne pouvons pas aller plus loin ; nous devons consolider ce qui a déjà été accompli et nous ne pouvons pas remuer davantage le couteau dans la plaie, car cela provoquerait un schisme ». Cela ressemble à ce qu’a récemment déclaré le cardinal jésuite Hollerich : le pape Léon interprète les mêmes paroles que François, mais avec une autre musique.
Deuxième clé : le pape Léon introduit ce concept de façon claire. La doctrine ne sera pas modifiée, pour l’instant. Pas à court terme, en tout cas. Il cherche ainsi, d’une part, à rassurer les conservateurs en leur disant : « Rien ne change ». Mais en même temps, il veut rassurer les libéraux en suggérant que cela pourrait être temporaire. Il ne dit pas que c’est le cas, mais il ouvre cette possibilité : « Pour l’instant, non » signifie littéralement cela. Pour l’instant, il n’y aura pas de diaconesses — même si cela continue d’être étudié en commission —, pour l’instant, le concept de bonté ou de nocivité des relations homosexuelles ne sera pas abordé. Je le répète : pour l’instant, non.
Troisième clé : dès son premier discours, le pape Léon a clairement indiqué qu’il recherchait l’unité de l’Église. Dans cette interview, il revient sur ce thème, mais sous un autre angle : il évoque la forte polarisation de l’Église. Son objectif est d’éviter tout ce qui pourrait accroître cette polarisation. Par exemple, ne pas approuver la bonté des relations homosexuelles. Il cite ce qui s’est passé lors du dernier synode — qui ne réunissait pas uniquement des évêques —, où ce sujet a été source de polarisation. Et il ajoute qu’il a entendu des évêques non occidentaux critiquer le fait que l’Europe et les pays démocratiques occidentaux étaient obsédés par le sexe. Introduire cette question maintenant, dit-il, reviendrait à encourager la division, et il ne veut pas le faire.
Cela soulève une autre question : si les relations homosexuelles ne sont pas approuvées maintenant, si les diaconesses ne sont pas approuvées maintenant – et évidemment, une fois les diaconesses approuvées, viendraient les prêtresses, les évêques et même les « papesses » –, est-ce uniquement pour éviter la polarisation ? Et si la polarisation diminuait, serait-elle alors approuvée ?
Et comment la polarisation pourrait-elle diminuer ? Avec le facteur temps. Lorsque des leaders conservateurs tels que les cardinaux Sarah, Burke, Müller ou l’évêque Schneider disparaîtront – simplement en raison de leur âge – et seront remplacés par d’autres plus libéraux, la polarisation pourrait diminuer et des changements doctrinaux ou liturgiques pourraient alors être introduits. Il y aura toujours un prêtre libéral, voire radical, qui pourra être nommé évêque ou cardinal. Mais le facteur temps joue également en défaveur, car la plupart des séminaristes et des jeunes prêtres sont conservateurs.
Au fond, la question est la suivante : qui est réellement le pape Léon XIV ?
Un libéral qui tente de calmer les conservateurs en disant « on ne touche à rien » ?
Ou un conservateur qui tente de calmer les libéraux avec un « pas pour l’instant », sans que cela signifie que demain, ou après-demain, les changements ne seront pas effectués ?
Nous le saurons peut-être bientôt. Par exemple, avec les nominations de nonces dans des pays conflictuels comme les États-Unis, l’Allemagne ou la Belgique. S’agira-t-il de nonces choisis par des évêques conservateurs ou libéraux ? Ce sera un signe clair, un acte de gouvernement. Nous verrons également comment il forme son équipe au Vatican, qui il nomme au très important dicastère des évêques, actuellement vacant, ou qui il place aux postes intérimaires des cardinaux déjà à la retraite. Tout cela montrera qui il est vraiment.
Autre point important : dans l’interview, il critique les pays d’Europe du Nord — non pas la Suède, la Norvège ou le Danemark, où l’épiscopat est conservateur, mais l’Allemagne et la Belgique — qui vont au-delà de Fiducia supplicans en donnant leur bénédiction non seulement aux personnes homosexuelles, mais aussi aux couples. Léon XIV critique cela et affirme que cela va au-delà de ce qui est permis. Mais se contentera-t-il de dire que c’est mal ou prendra-t-il des mesures ? Jusqu’à présent, comme il l’a lui-même reconnu, il n’y a pas eu de changements essentiels dans la doctrine, mais on a toléré que cette doctrine ne soit pas respectée.
C’est comme un gouvernement qui adopte des lois formidables, mais qui ensuite permet qu’elles ne soient pas respectées. Il existe de magnifiques lois pour protéger les mineurs, mais on n’agit pas contre les violeurs. Il existe de magnifiques lois contre la fraude fiscale, mais on ne poursuit pas les fraudeurs. Ici aussi, on verra qui est vraiment le pape Léon.
Un dernier point : le pape a dit que la mission de tout pontife est de confirmer la foi du peuple. De quel peuple ? Du peuple allemand, du peuple africain ? Confirmer la foi de chaque peuple en fonction de son moment historique, ou confirmer tout le peuple de Dieu dans la foi de l’Église, la foi de 2000 ans, la foi des apôtres, des martyrs et des saints ? Telle est la véritable mission du pape : confirmer l’Église tout entière dans la foi de l’Église, et non dans la foi des majorités ou dans ce qui est politiquement correct.
La tâche de Léon XIV est extrêmement difficile. Il le sait : il veut l’unité, éviter la polarisation. Mais à quel prix ?
C’est pour cela que nous devons beaucoup prier pour lui. C’est le pape, ne l’oublions pas. C’est le pape, et nous devons avoir confiance en lui et en l’Esprit Saint.
Prions beaucoup pour lui.