[FSSPX news]Divergence entre le pape Léon XIV et le cardinal Sarah

19 septembre 2025

Source: FSSPX Actualités

Le pape Léon XIV et le cardinal Robert Sarah

Le cardinal Robert Sarah a accordé un entretien au quotidien d’inspiration catholique Avvenire, le 12 septembre 2025, où il est interrogé entre autres sur la synodalité, la messe selon le rite traditionnel, l’ancien rite, la bénédiction des couples homosexuels et l’Afrique. Quelques-unes de ses réponses sont à considérer.

Interrogé sur la messe traditionnelle il affirme que « dans l’Eglise, tous les baptisés ont leur place, s’ils en partagent le Credo et la morale qui en découle. Au cours des siècles, la diversité des rites célébrant l’unique sacrifice eucharistique n’a jamais posé de problème à l’autorité, car l’unité de la foi était claire. Je considère que la variété des rites dans le monde catholique est une grande richesse. »

Il ajoute qu’un rite « rite ne se compose pas à un bureau, mais est le fruit d’une stratification et d’une sédimentation théologique et cultuelle ». Le cardinal a-t-il une arrière-pensée ? Car le rite de Paul VI peut être, pour de nombreux éléments, qualifié de « rite de bureau ». L’accusation a d’ailleurs été portée plusieurs fois par le cardinal Joseph Ratzinger, notamment dans son livre Ma vie.

Le cardinal Sarah poursuit : « Je me demande si l’on peut “interdire” un rite millénaire. Enfin, si la liturgie est aussi une source pour la théologie, comment interdire l’accès aux “sources anciennes” ? Ce serait comme interdire l’étude de saint Augustin à ceux qui voudraient réfléchir correctement sur la grâce ou sur la Trinité. »

Interrogé sur la contribution de l’Afrique à l’Eglise universelle, il explique que « les Eglises africaines peuvent offrir cette fraîcheur, cette authenticité et cet enthousiasme de la foi qui font parfois défaut en Occident. N’oublions pas le prix très élevé qu’elles paient sous forme de martyre : ce sacrifice portera ses fruits et sera la graine de nouveaux chrétiens. » Une belle pensée reprise de Tertullien.

Sur la « bénédiction » des couples homosexuels ou irréguliers, le cardinal guinéen « espère que l’on pourra clarifier et peut-être reformuler le contenu de Fiducia supplicans. Cette déclaration est théologiquement faible et donc injustifiée. Elle met en danger l’unité de l’Eglise. C’est un document à oublier », conclut-il.

Le journaliste interroge sur la synodalité et souligne qu’elle avait fait l’objet d’un des dubia soumis en 2023 au pape François par cinq cardinaux, dont le cardinal Sarah. Ce dernier répond que « la dimension synodale doit être approfondie et clarifiée. Elle devrait peut-être être théologiquement étayée par la notion de communion, beaucoup plus ancienne et riche, afin d’éviter les dérives idéologiques qui opposent deux ecclésiologies : la synodale et celle de communion. »

Il ajoute un élément à souligner : « La communion est une fin ; la synodalité un moyen à discerner. La communion est hiérarchique, car c’est ainsi que Jésus a voulu son Eglise [nous soulignons] ; la synodalité, comme l’a rappelé le pape Léon, est plutôt un style. »

La pensée de Léon XIV sur la synodalité

Un entretien de Léon XIV (en langue anglaise) réalisé par Crux, mêlé à une biographie du pape régnant, publiée le 18 septembre (voir l’article de ce jour), donne quelques éléments de la pensée du pape américain sur la synodalité. Il y affirme : « Il ne s’agit pas d’essayer de transformer l’Eglise en une sorte de gouvernement démocratique. »

Certains ont fortement relevé cette affirmation. Il paraît évident qu’un pape ne peut pas dire que l’on va introduire la démocratie dans l’Eglise et doit affirmer le contraire. François lui-même l’avait déjà dit, à au moins deux reprises.

Léon XIV affirme par ailleurs : « Je pense que la synodalité est une façon de décrire comment nous pouvons nous réunir, former une communauté et rechercher la communion en tant qu’Eglise, afin que celle-ci ne soit pas principalement axée sur une hiérarchie institutionnelle [nous soulignons], mais sur un sentiment d’“ensemble”, de “notre Eglise”. »

Il faut relever que ce que le cardinal Sarah déclare comme voulu par Jésus pour son Eglise est considéré comme ne devant pas être principal par Léon XIV : la structure hiérarchique de l’Eglise.

Une hiérarchie qui, selon la doctrine catholique, constitue l’élément central autour duquel l’Eglise est constituée, par volonté divine. Il faut rappeler que le qualificatif de « hiérarchique » est une des notes de l’Eglise, ce par quoi la véritable Eglise se reconnaît et se distingue des autres.

Le synodalité sur le grill

Cette divergence inconciliable pose une difficulté très sérieuse. Mais ce qui est patent, est que le pape et le cardinal reconnaissent indirectement, et peut être même sans le vouloir, que la machinerie du synode sur la synodalité a été mise en place sans être définie au préalable, ce qui est gravissime. Le cardinal Georges Pell l’avait dénoncé en son temps, et le cardinal Joseph Zen plus récemment.

Le fait même que le pape soit obligé de dire que l’on ne veut pas transformer l’Eglise en démocratie trahit un problème grave qui ne peut être résolu qu’en changeant la structure même du synode, et pas seulement l’étiquette qui lui est apposée. Ce n’est pas en appliquant une solution nominaliste au pragmatisme impie et dévastateur, que les choses peuvent changer.

Car il ne faut pas oublier que le synode sur la synodalité est d’abord une praxis, comme cela a été de nombreuses fois dénoncé par ce site et par d’autres. La synodalité se fonde sur une notion dévoyée du sensus fidei qui fait le fonds de commerce du cardinal Mario Grech, secrétaire général du Synode des évêques, qui en a usé à plusieurs reprises pour justifier le processus, à l’instar de François.

Il faut bien l’admettre, le synode a créé un esprit et une mentalité qui ont rendus possibles et ont justifiés les choix les plus catastrophiques du pape défunt. Ainsi Fiducia Supplicans a répondu d’abord à des besoins manifestés synodalement par le sensus fidei. Vouloir redéfinir le synode, sans le changer dans son essence, ses mécanismes et son dynamisme intrinsèque, montre la volonté de le sauver devant les critiques dont il est l’objet.

C’est le pire service à rendre l’Eglise. Espérons que cela sera perçu à temps par celui qui a maintenant le gouvernail de la barque de Pierre entre les mains.

(Sources : Avvenire/InfoCatolica/Vatican News – FSSPX.Actualités)
Illustration 1 : X / Vatican News, photo officielle du pape Léon XIV
Illustration 2 : collegeofcardinalsreport.com